Laisse parler ton coeur, Quasimodo. | Riku, Dream Drop Distance
Publié Dimanche 27 Février 2011 par RedWizard dans la catégorie theories
Mot du rédacteur
Petit message avant de débuter sérieusement cette fin secrète de Kingdom Hearts Birth by Sleep. Si vous êtes des néophytes à la série Kingdom Hearts ou bien des apprentis joueurs tentant d’obtenir cette fin secrète, je vous conseille vivement de quitter cette page pour ne pas vous gâcher le plaisir mérité lors de son premier visionnage. D’autre part, je tiens à vous prévenir, et cela pourra vous surprendre par la longueur du texte, que cette analyse restera incomplète : elle est écrite dans l’unique but d’établir des innombrables liens et autres significations présents dans l’œuvre original pour pouvoir en débattre. Si certaines notions techniques vous paraîtront abstraites, un lexique se trouve à la toute fin de cette démonstration. Merci de votre compréhension, et bonne lecture !
« Ellipses »
Titre de la fin secrète
Une ellipse est une figure de style littéraire, possédant un pendant de même nom dans le cinéma. Il consiste à suggérer une action en montrant simplement ce qui se passe avant et ce qui est observé après.
Ainsi, comme le suggère en soi la définition, ce qui n’a pas été décrit entre deux périodes relèvent d’une libre interprétation du spectateur/lecteur.
Surprenante dans sa longueur, avec une durée record approchant des 13 minutes, cette fin secrète est constituée de petites saynètes avec plusieurs personnages, que nous analyserons et commenterons. Nous mettons déjà en place l’idée de « pièces » qui, sorties du contexte comme c’est le cas, nous paraissent avec des formes indistinctes. Mais le puzzle ne peut être terminé que d’une seule façon (Aqua : Après tout, il y a toujours une issue…). Comme le montre la séquence finale du jeu, nous avons déjà débuté ce casse-tête gigantesque.
L’utilisation de l’ellipse va renforcer cette idée par le biais du montage, façonnant ainsi un langage dénoté et connoté. Son but ici n’est que de créer un univers (l’Espace) perdu de manière chronologique (le Temps), ou presque. C’est là, tout l’art des ellipses.
A de multiples reprises dans Kingdom Hearts II, Tetsuya Nomura nous avait fait part de son intérêt dans ce domaine. Citons tout particulièrement la séquence dans la scène d'ouverture, notamment le passage dans le manoir Oblivion, avec l’affrontement final de Sora contre Marluxia et de Riku contre Ansem. Nomura a su ici coupler avec habileté le montage alterné (l’attaquant et l’attaqué), le montage parallèle (le combat Sora contre Marluxia et le combat Riku contre Ansem) mais aussi l’utilisation du montage dans le mouvement (Sora commence une attaque sur Marluxia, et le plan suivant montre Ansem recevant le coup de Riku, et vice versa).
Avec Kingdom Hearts Birth by Sleep, il renouvelle cette expérience et va même jusqu’à réaliser le scénario des trois personnages afin de nous faire placer de manière chronologique (bien que nous soyons aidés dans l’Archive du trio) les faits et autres exploits de chacun. Tout cela nous montre ainsi l’avancement, les variations, les superpositions et les juxtapositions des évènements dans l’histoire.
L’idée du montage parallèle remonte au début du XXème siècle, alors que le cinéma vient de faire son apparition. David Wark Griffith, père fondateur du langage cinématographique va instaurer ce principe au travers de ses courts métrages et de son plus grand film Intolérance (1916), qui nous compte cette bataille éternelle qu’est celle de l’Amour, aux travers de cinq ères historiques différentes.
Des vérités cachées…
Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait…
Voici le premier intertitre apparaissant sur notre écran, accompagné d’une inquiètante musique jouée par des cordes. Dès les premières secondes, nous comprenons avec ce seul intertitre qu’on nous a menti (rien d’étonnant en soi, c’était déjà le cas avec l’histoire des sept jours de Roxas dans Kingdom Hearts II).
Tour à tour, deux personnages vont être révélés : Xehanort et Terra. Ce n’est nullement le fruit du hasard de voir ces deux personnages ensemble, puisque cela avait déjà été suggéré narrativement. Il est étrange de voir ces personnages réunis alors que tout les oppose. Nous avons un vieillard et un jeune adulte. Or, ces deux personnes distinctes pourraient être considérées comme les plus puissantes du jeu. Tetsuya Nomura met déjà en place une idée de Dualité (voir même de Trinité avec la présence suggérée d’Eraqus) et dont le procédé sera réutilisé tout au long de chaque scène à venir.
D’autre part, ce « combat », comme pourrait le laisser supposer la lumière qui éclaire nos deux compères s’affrontant sur un fond noir, nous les présente sous une forme des plus inattendues et la plus difficile pour eux. Il s’agira en effet d’une joute verbale et non d’une bataille physique. C’est aussi une manière d’avertir les spectateurs que ce que nous allons voir risque d’être trompeur. Il ne faut, en aucun cas, céder à la tentation de la beauté des images pour les interpréter, mais bel et bien recourir au verbe, donc à la pensée pour en connaître les véritables intentions et significations. Après tout, c’est déjà le cas dans cette première séquence : aucun fond, aucun décor ni objet n’est présent. Seuls deux personnages s’affronteront par le dialogue, fil que nous nous devons de ne pas perdre.
Xehanort sera perçu comme un manipulateur physique, avec ses mains contrôlant les ténèbres, ainsi qu’un manipulateur mental avec l’emploi des mots (pour ne pas dire les maux de Terra) que nous percevons à deux reprises sur le plan de la bouche de Xehanort, mais aussi de ses mains.
A l’instar, Terra possède un plan sur la tête, et tout particulièrement ses cheveux. Cela pourrait paraître étrange, tout comme cette présence indélébile de Terra dans son propre corps, que Xehanort qualifie d’ « énigme ». Peut être que ces cheveux agissent comme la crinière d’un lion pour se défendre des attaques envenimées de Maître Xehanort.
Cependant, Terra se laisse faire, telle une marionnette (ça devrait vous rappeler quelque chose) comme le montre la position de son corps, bras ballant face à un Xehanort en proie à la réflexion, mains dans le dos, pour tenter de déjouer ce tour (pour ne pas dire un « deus ex machina »).
La patience de Xehanort sera donc mise à rude épreuve pour pénétrer les voies de la Divine Providence, car Terra semble avoir le dessus sur lui. En effet, tout au long de la séquence, celui-ci va s’éloigner peu à peu de son rival et de son discours machiavélique, pour finir par se rapprocher en gros plan, et tenter de le faire fléchir.
Cependant, plusieurs doutes subsistent, sans réponses. Xehanort d’une part, puisque Terra ne lui apparaît pas comme une gêne dans la réalisation de son plan, en lui suggérant les multiples voies pour parvenir à bout de son plan diabolique qui s’exécute. Terra d'autre part, cible vivante comme le suggère cette croix rouge sur son torse : il possède quelque chose que Xehanort et nous ignorons. Insidieusement, Tetsuya Nomura met en place l’idée d’hors champ (dans notre cas, c’est même un hors champ filmé, ce qui est doublement culotté), et l’idée de développer un imaginaire sur cette chose qui remplit Terra d’une confiance et d’un courage sans fin : l’amitié pour Ven, la sagesse d’Aqua, et l’assurance de Maître Eraqus. Personne d’autre mis à part Xehanort le qualifiera en utilisant le bestiaire, et notamment le renard, animal fantastique utilisé dans les contes fantastique Japonais (pour ne pas citer le plus célèbre « Ugestu Monogatari » Les Contes de la Lune et de la Pluie de Ueda Akinari) puisque les humains sous son influence verront des hallucinations et autres illusions fantastiques se provoquer, de quoi rendre encore la situation extrêmement ambiguë de notre côté…
La séquence s’achève sur le regard doré de Xehanort montrant sa conviction d’atteindre ses objectifs. Même si Terra pourra faire obstacle de ce côté-ci aux plans de Xehanort, il ne pourra pas néanmoins atteindre son but. On nous montre par là l’Enfer qu'il va vivre ; nous sommes dans un monde d’illusion, sans aucun contrôle sur les repères physiques et chronologiques, et ceci tant pour le spectateur que pour Terra le héros déchu, en proie à des faiblesses connues de Maître Xehanort. Le pire est suggéré de nouveau en hors champ, et notamment la peur que cela se reproduise, et que tout parte en éclat. On pourrait très bien résumer cette confrontation avec notre ami le philosophe Jean Paul Sartre, qui, dans sa célèbre pièce de théâtre Huis Clos, fait dire par Inès cette réplique mémorable adressée à Garcin « Pas besoin de grill : L’Enfer, c’est les Autres. »
Deux silhouettes gravées dans la mémoire…
Comment nier l’évidente nécessité de la mémoire ?
(L dans Hiroshima mon Amour d’Alain Resnais).
La séquence suivante se poursuit toujours sur ce thème inquiétant et sombre de Yoko Shimomura. Le spectateur va réagir instantanément puisque cette séquence n’est que les prolongements des idées et du caractère temporel de la précédente. Vous allez comprendre en lisant ces lignes.
Un raccord va être établi avec le regard de celui que nous appellerons Xehanort/Xemnas. Je me permets d’employer ce terme car nous sommes dans l’incapacité de dire « Qui est –il ? » et c’est là tout l’objet de cette séquence. Nous venions de voir un combat verbal entre Terra et Xehanort, mais qui est en possession de ce corps ? C’est ainsi qu'apparaît un très grand doute, car malgré la détermination que nous pouvons remarquer par le travelling arrière face caméra, le regard est identique à celui de Xehanort qui avait clôturé la séquence précédente. De plus, cette personne qui n’est autre que le fruit d’une expérience dont nous ne connaissons même pas l’issue, est aussi un scientifique (donc quelqu’un qui en produit).
Le fait de raccorder la séquence sur ce simple regard doré nous montre une juxtaposition parfaite des deux scènes, révélant ainsi leurs prolongements, tant chronologiques que sur le plan des idées soumises dans la première séquence. Ainsi, le fait de voir Xehanort/Xemnas déambuler dans les laboratoires du Jardin Radieux, avant que ce monde ne devienne la Forteresse Oubliée, nous fait penser immédiatement à ces expériences sur le cœur qu’il entreprenait en secret. Il y a par ailleurs une ambiguïté temporelle qui s’immisce dans nos esprits, puisque le lieu en question se dédouble par son nom à l’avenir.
A première vue, il y paraît seul. Trois plans le découpent : face, profil droit et de dos en plan taille. L’intérêt de ce sur-découpage d’une même personne montre une certaine schizophrénie mentale présente chez ce même personnage. Je vous épargne la liste des occupants de ce même corps (encore la présence de la Trinité chez une personne schizophrénique qui n’en compte que deux).
C’est alors que des bruits de pas se font entendre pour le rattraper, révélant Braig. Une apparition qui plus est furtive : la Dualité revient au galop. Son attitude amicale envers cette personne qu’il ne connaît pas, et qui ne le reconnaît pas en retour, fait régner un doute quant à la présence de Terra. On remarquera même qu’il essaye d’ôter la main de son épaule droite mais il est interrompu par Braig, changeant totalement d’attitude à son égard.
Il cherche à vérifier s’il n’est pas Terra, chose aberrante, déjà que nous n’étions pas sûr d’être nous-même dans Kingdom Hearts II avec le cas de Roxas. Ici, la question se pose pour les Autres. Vous noterez qu’aucune réponse n’a été émise par le bouc émissaire, excepté un grognement pour confirmer quoi ? Une gêne dans cette histoire ou bien tout simplement la gêne que provoque Braig qui se place déjà en tant que proche de Xehanort/Xemnas. Souvenez-vous que le numéro II de l’Organisation XIII n’est autre que Xigbar. Dès cette séquence, une sorte de hiérarchie s’installe chez ses deux personnages : qui oserait toucher de ses mains « sales » l’épaule d’une icône ?
Aussi, notons la présence d’un jeu de mot anglophone « I’ve got you back » tout en frappant le dos de la personne pour confirmer. Est-ce un signe d’amitié ou bien un coup de poignard dans le dos ? Après tout, ce qui risque d’arriver est déjà en place (et s’est même déjà produit) comme le rappelle le sol en damier, tel un échiquier, où le roi blanc et son fidèle pion noir s’avance ensemble ; une chose impossible qui ne peut mener qu’à un futur échec et mat.
Un raccord dans l’axe arrière au cheminement de nos deux compères se fait voir. Evidement, le déplacement des personnages montrent la voie qui se profile de leurs destins respectifs. Xemnas/Xehanort et Braig vont affronter le leur, voire même y succomber. Cette marche ininterrompue de Xemnas/Xehanort ne montre que sa résolution face à l’exécution de ses plans, notamment ses recherches sur le Cœur (un cœur, qui n’est autre qu’une pulsation pour alimenter le système musculaire en oxygène, tout comme la marche réglée en une cadence).
A cela, nous opposons à nouveau deux nouvelles têtes qui, en toute opposition, représente le bien et le souvenir, ainsi qu’une différence notable à la séquence précédente. Comme vous pouvez le constater, il ne s’agît que d’Ansem le Sage, accompagnant le jeune Ienzo, main dans la main, et mangeant une glace à l’eau de mer. Certains seront surpris de constater la présence de Ienzo chez les gentils. On remarquera déjà l’opposition Ansem le Sage et Xemnas, l’Elève et le Maître, la couleur « invisible » du violet juxtaposé à la rouge et chaude écharpe, le pas hâtif et impatient face à un pas lent et glorieux.
Un plan taille montre Ansem comme un bon vivant, profitant de la vie tel un épicurien, et ne se lassant pas de son côté contemplatif de la jeunesse encore candide face aux mystères de la science et de la vie. C’est en ça que Ienzo apparaît gentil : il est encore insouciant et innocent, c’est-à-dire pur.
Nous passons de nouveau sur un plan frontale, ici dos à nos deux compères. Une fois encore, on comprend que de n’importe quel côté du bien ou du mal où nous nous engageons, des mises à l’épreuve nous attendent, symbolisées par le mur que le destin place sur le chemin de chacun. A nous de les relever et de la résoudre (ou non) de la manière qu’on le souhaite.
Or, Ienzo va stopper sa marche, entraînant l’arrêt de celle d’Ansem le Sage. Cette pause a énormément de significations. D’une part, bien que Ienzo suive sagement Ansem, il ne marche plus (dans les deux sens du terme). Rappelons que Ienzo n’est autre que Zexion dans 10 ans, symbolisé par le Livre (donc la Connaissance sur tous les plans). Il faut déjà y voir une forme de trahison envers Ansem le Sage. Ienzo l’accompagnera en effet un bout de chemin pour finalement le trahir, en se retournant tel Orphée (tout comme ce qu’il lui arrivera en retour, dans Chain of Memories). Cet arrêt montre aussi, d’un certain point de vue, les différentes périodes dans la vie humaine (l’Enfance, l’Adolescence, l’Âge adulte et la Vieillesse). Bien que nous tendions à chaque pas vers la Vieillesse, notre stade final de la Vie, il y a comme un passage obligatoire vers l’Adolescence et l’Âge de Raison. De plus, son jeune âge montre, une fois encore, son point de vue divergeant par rapport à ces différentes phases de la vie. Cela est déjà notable par sa taille, mais aussi son interprétation de ces mêmes situations car la différence entre un enfant et un adulte réside dans le fait qu’ils n’obtiennent pas les mêmes conclusions, voire les mêmes perceptions d’un évènement.
Peut être devrions-nous percevoir à travers les yeux d’un enfant, Ô tant bien attiré par ce monde d’adulte qui a l’air si intéressant, pour ne pas dire attirant (celui de Xemnas et Xehanort). D'un autre côté, Ansem le pousse à ne pas succomber à certains de ses désirs « obscurs ». C’est là qu’une autre situation peut être dénotée concernant Ansem le Sage : une autorité apparaît (le « Sur-moi »), à savoir une forme de paternité latente. Ceci est exposé et renforcé dans leurs déambulations dans ce couloir, s’avérant être celui des souvenirs et de la mélancolie. Après tout, Ansem le Sage est en quelque sorte le « Roi » du Jardin Radieux. Je vous laisse libre de concevoir ce qui a été omis dans son histoire…
Ienzo finit par se retourner. Notons que sa coiffure n’est pas anodine, ni puérile, mais permet tout simplement d’accentuer cette idée du regard : un seul de ses yeux est montré, tandis que l’autre est dérobé sous sa chevelure bleue (un rappel du plan de Terra au passage). Ansem, en bon sage, imite ce dernier pour percevoir de ses propres yeux la scène qui se déroule devant nous, à savoir une relation entre Xemnas/Xehanort et Braig. C’est là qu’Ansem commence à s’inquiéter puisque Xemnas/Xehanort, le scientifique, cherche une protection au travers de Braig en uniforme de gardien, chose complètement négligée pour lui, et c’est là que vient jouer la question du Savoir.
En effet, à quoi bon tout connaître de ce monde si nous sommes incapables de nous protéger de ses dangers ? C’est ce que Xemnas/Xehanort met en application, tant dans ses futurs plans que ses investissements personnels. Il deviens fort intellectuellement et en échange il a besoin de force physique, représenté par Braig, le soldat de la Forteresse.
Ansem en pense tout autre : le Savoir n’est pas un objet de pouvoir hiérarchique, bien au contraire, mais une de ces beautés qui se doit d’être transmises, à tous et aux générations futures, qui en puiseront une force afin de persévérer dans leurs nouvelles recherches. Hélas, le jeune Xemnas/Xehanort semble être sourd à l’apologue et aux avertissements de son maître qui n’en peut que constater et conclure que la future Chute est donc inéluctable.
Ceux qui n’auraient jamais dû se rencontrer
Quand les grands esprits se rencontrent…
Changement de séquence, accompagné d'une nouvelle musique ; une mélodie mélancolique et calme, s’avérant être le thème de Aqua. De nouveau, le fondu au noir s’achève pour révéler sur un travelling arrière le regard d’Ansem le Sage, le visage enfoui dans une robe de bure de l’Organisation XIII, sous le bruit de la mer dont l’écume s’échoue à ses pieds. Vous constaterez déjà que ce point de montage reprend de manière identique l’idée soumise au point des deux séquences précédentes.
Un plan d’ensemble nous décrit l’endroit où tout débute et finit dans Kingdom Hearts II, se trouvant à la croisée des chemins, entre la Lumière et les Ténèbres. Ce « tableau » pseudo romantique, voire expressionniste, nous montre un Ansem perdu dans ses pensées. La Mer, lieu où tout naît et où tout meurt pour quiconque tente de la traverser, tel un miroir se montre comme la rivière du Léthée dans la Grèce Antique (d’après Platon même), fleuve qui fait perdre, tant à vous qu’à moi et qu’à ces personnages, la Mémoire.
Ce vide intermittent permet ainsi à Ansem le Sage et à nous-même de réfléchir, d'imaginer et d'inciter une réflexion sur les causes de cette conséquence. Effectivement, il est surprenant de remarquer l’enchaînement de ces actions basées sur la réflexion quand on sait qu’il n’a pas su les remarquer dans la séquence précédente. Il en restera logiquement une perte de mémoire, d’où « Absence ». Absence qui va être rompue par celle qui n’aurait jamais dû le rencontrer, à savoir une première apparition féminine : Aqua.
L’enjeu de la séquence débute maintenant. Un interrogatoire commence entre les deux protagonistes, et celui-ci va se profiler d’une étrange manière puisque nous sommes presque des personnes omniscientes à l’histoire. Mais un doute finît par nous submerger : cette séquence est placée hors du temps. Tant dans le repère visuel puisque ce monde fantastique est frontalier à deux autres, que chronologique car la scène ne donne aucun indice temporel. Les propos d’Ansem n’arrangent en rien le placement chronologique de la séquence. La démonstration précédente n’a d’autre but que de nous brouiller puisqu’il se souvient de choses lointaines, voire plus méticuleuses, que de choses personnelles et proches. La majorité des plans ne cessent de se répéter dans leurs compositions, autant dans les cadrages que les champs-contrechamps, afin de donner une impression de déjà-vu au spectateur, et par déduction, un brouillage orchestré dans l’espace visuel.
Une amitié se forme dans ce couple face à la mer, se remémorant tour à tour leurs souvenirs respectifs. Va se réveiller alors chez Ansem le Sage le souvenir de Sora, qu’Aqua anticipera sous la forme d’un quiproquo. Un plan montre Ansem non plus comme un être humain, mais bien comme la figure allégorique de la Mort, plongeant de nouveau Aqua dans une forme de désespoir, comme si cette nouvelle s’avérait plus une souffrance qu’un apaisement proche. Et c’est ce qui se passe à chaque interrogation d’Aqua, ou réponse de la part d’Ansem : les réponses ne font que souffrir davantage.
Ou presque hors du temps…
Et c’est dans les propos amnésiques d’Ansem qu’il va le révéler. Aqua n’est là que pour troubler le spectateur par ses propos, telle une âme errante dans le Purgatoire ou l’Enfer, ayant perdue la notion du temps.
Ansem :
Eh bien, c’est la deuxième fois que je me retrouve sur ces rivages.
La seconde fois donc. La séquence précédente permettait ainsi de se remémorer la première venue d'Ansem en ces lieux : avec les plans de Xemnas/Xehanort, Ansem va décider de passer de l’autre côté du miroir pour en savoir davantage. Si on suit toujours la logique de l’histoire, il réapparait dans Chain of Memories pour guider Riku en proie au Ténèbres, puis dans Kingdom Hearts II pour guider à nouveau Roxas afin de reconstituer Sora, pour qu’il puisse poursuivre sa quête (c’est d’ailleurs à cela qu’il fait référence dans les recherches implantées dans son monologue). Et si nous prenions en considération certains détails qui nous paraissaient trop vagues et que nous les relions ?
Ansem est là, à attendre en allégorie de la Mort aux côtés d’Aqua, l’âme errante. Il faut faire attention à ses nombreuses allégories, utilisées avec excès depuis le début de cette saynète. Ils ont perdus toutes notions. D’autre part, si nous imaginons que cette scène se situerait, non pas dans un futur proche (Birth by Sleep), mais bien dans un futur lointain, c’est-à-dire 10 ans plus tard ? Certains d’entre vous scanderont la présence d’Aqua certes, mais remémorez-vous la séquence du sauvetage de Terra des Ténèbres : elle abandonne elle aussi de manière allégorique son corps d’armure au profit d’une âme immortelle. Et si Ansem se faisait passer pour mort ?
C’était jusque là un grand mystère, qui n’en serait peut-être plus un. Notre dernière rencontre avec Ansem le Sage remonte à cette scène du haut de la tour d’Illusiopolis, où il chercha à anéantir par vengeance le Kingdom Hearts de Xemnas. Mais il succomba tragiquement à l’emballement de son invention, à la suite d'une explosion. Après tout, ce qui n’était qu’un détail sommeillant en nous, ne peut renaître que sous la forme d’une idée ingénieuse, non ?
C’est alors qu’Ansem entame un monologue accompagné de l’air de Dearly Beloved. Ses propos confus, mais pourtant cohérents, reprennent une idée qui avait déjà été soumise dans une scène de Kingdom Hearts II (la discussion entre Axel et Kairi sur la plage). L’espoir reprend donc son cours, au fur et à mesure que le temps s’écoule.
Their birth by sleep…even you…and even me.
Chose curieuse, c’est que cette scène refait écho à une précédente situation dans Kingdom Hearts II, puisque la phrase clé qui fermait la scène secrète de Kingdom Hearts n’était autre que « We’ll go together ». Cette phrase marquait le climax dans la fin du deuxième opus. Ainsi, il en est de même avec le slogan « Their Birth by Sleep ». Inconsciemment, tout est prêt. Le personnage principal n'a plus qu'à agir, et il saura quoi faire en temps voulu.
Il est à noter que cette avant dernière scène est la plus longue : les plans s’étirent plus, le temps est même une donnée inconnue dans cette séquence ; tout est fait pour ignorer le temps. C’est alors qu’Ansem va pour énoncer le nom de ce héros et une multitude de plans vont apparaître soudainement.
All the pieces lie where they fell (Toutes les pièces sont en places)
Les hommes, à de certains moments, sont maîtres de leur sort ;
et si notre condition est basse, la faute n'en est pas à nos étoiles ;
elle en est à nous-mêmes (Jules César de William Shakespeare).
Trois plans distincts nous montrent l’entrée de ce manoir mystérieux dans la Cité du Crépuscule. On comprendra aisément que c’est le repaire de Naminé, donc de la mémoire. Il faut noter (comme on le voit dans le 3ème plan) une fenêtre, à l'image d'un écran, sur lequel nous avons tenté dans Kingdom Hearts II d’y projeter un fantasme qui n’était autre qu’un fantôme. Et si projection d’un désir, pulsion il y a, comme le montre ce va et vient du rideau blanc de la chambre de Naminé.
Il en va de même avec la création que Naminé est en train de faire. Du bout de son crayon blanc surgissent des couleurs. Le fait de dépoussiérer l’œuvre du dos de sa main montre l’absence d’erreur dans le rendu obtenu, et donc un sentiment de perfection atteint dans la retransmission de ces données.
Pour prouver le tout, un plan nous montre le dessin obtenu : Sora, assis sur l’arbre du Paopou, contemplant le coucher du soleil sur la mer, et probablement enfoui dans ces pensées. Tout comme l’a été Ansem dans une séquence beaucoup plus contrastée auparavant. Dès l’instant où Naminé énonce le prénom de Sora, la musique se fait davantage vigoureuse et pleine d’espoir. C’est bien là, un comble qui se présente puisque, devant une œuvre (celle de Naminé en l’occurrence), nous devons débuter à partir de rien (c’est-à-dire : une feuille blanche). Tout comme la réflexion (de la mer ?) dans laquelle sont plongés Ansem et Sora face à leurs situations, identique à la nôtre, où nous sommes incités à réfléchir et imaginer ce que nous percevons des ces reflets lumineux dus aux intentions du réalisateur. Ainsi, le meilleur moyen de représentation de ce vide n’est autre que le ciel, dixit du Japonais : Sora.
La séquence s’enchaîne immédiatement sur le Clocher de la même ville, où s’y retrouvent nos trois compères de 358/2 Days, à savoir Xion, Axel et Roxas se délectant d'une glace. Pour montrer à quel point cette résonance de ce désir est enfoui, ils iront jusqu’à stopper tour à tout leurs collations afin d’énoncer eux aussi le nom de Sora, le tout sur un panoramique vertical surplombant la ville face à un coucher de soleil. A noter deux petits détails en arrière plan puisque deux trains s’en vont, un de la gare, un autre au loin, nous remémorant celui dans lequel nous débutâmes notre aventure de Kingdom Hearts II.
La caméra se déplace pour se déposer en douceur dans la Contrée de Départ, où la nuit étoilée règne encore au côté de Ventus assoupi (ou bien en proie à la réflexion ?). Entre dans le champ Terra, déposant sa main sur le rebord du banc, et réveillant Ventus. Tous deux s’en retournent vers le ciel, pour dire ensemble « Sora » alors qu’une étoile filante passe de droite à gauche de l’écran, et qu’un fondu au noir se produit. De nouveau, un malaise se fait sentir dans cet enchaînement de plans, tant sur les personnages que sur le décor même, puisque nous savons de manière pertinente qu’ils n’existent pas sous cette forme-ci. Ainsi la beauté des images s’avèreraient futiles et éphémères, comme le montre le plan sur l’étoile filante parcourant le ciel étoilé de droite à gauche de l’image.
Fondu au noir sur ce que nous venons de voir et retour à la case départ, dans un panoramique haut-bas, dans les sombres Ténèbres, avec Aqua et Ansem au bord de mer.
Une larme coule le long de la joue d’Aqua, et tombe au sol. Elle (la larme ou Aqua ?) s’en retourne vers la mer pour dire à son tour « Sora ». Cette même larme vous rappelle encore quelque chose, puisqu’il en a été de même dans Kingdom Hearts II. Souvenez-vous lorsque Sora quitte la Cité du Crépuscule en prenant ce fameux train et en pleurant pour une raison, presque inconnue, face à Hayner, Pence et Olette. Et c’est là qu’une certaine beauté nous saisit. Non pas par la juxtaposition des plans précédents jouant comme des souvenirs, voire des échos pour certains, mais bien par cette jeune demoiselle qui ne demande qu’à être secourue par Sora, et prenant conscience de ces actes, comme le lui a fait comprendre Ansem.
Where they wait for him…
Au fond, c’est une jouissance que d’attendre l’épouvante
(Maison de Poupée d’Henrik Ibsen).
Travelling arrière, nous révélant le décor des Iles du Destin, bien que le soleil nous aveugle partiellement. On soulignera la similitude lors de la fin du mouvement : le plan est identique à celui qui a été « storyboardé » par Naminé quelques minutes plus tôt. Ce plan d’ensemble est le prolongement du plan précédent dans lequel Aqua expirait dans un soupir le nom de Sora, dans un espace et un temps lointain. Le soleil couchant peut dénoter le caractère illusoire et aveuglant de la situation pour Sora (voire même pour nous), à la recherche de la signification de toutes ses épreuves vécues.
Un travelling circulaire, tel un faux panoramique, va arracher Sora de ses pensées par son nom, prononcé par Riku cette fois-ci. Comme le rappellent les deux objets tenus dans les deux mains de Sora : afin d’obtenir les informations nécessaires à notre quête, il faut recourir au vide que porte le message symbolique : la bouteille.
Riku est montré de manière frontale, dans un travelling arrière, par un plan poitrine, pouvant rappeler un tant soit peu le plan de Xemnas/Xehanort dans la Forteresse Oubliée. Riku lui demande s’il a pris sa décision, chose qu’il acquiesce derechef. Cette lettre, dont nous ignorons complètement le contenu (Ndlr : à l'époque), agît à son insu comme un MacGuffin, voire un élément perturbateur dans le processus de reconstitution du Bien sur les mondes de Kingdom Hearts. Pour les esprits les plus perspicaces, ils auront compris que la lettre ne pourrait être qu’un résumé de l’épopée que nous venons de vivre, voire même des séquences que nous venons d’observer, poussant Sora à agir.
Nous observons aussi une autre apparition féminine, celle de Kairi. On retrouve une idée de Chain of Memories puisque la personne que nous recherchons dans notre quête sera toujours substituée par une autre, devenant une illusion dans cette dernière (par exemple : Riku et Neo Riku, Kairi substituée par Naminé dans le manoir Oblivion, tout comme dans notre cas Aqua remplacée par Kairi).
Le dernier plan nous décrit les deux mains se rejoignant vers l’Eclaireuse en forme de coquillage confectionnée par Kairi. Cela cloue de nouveau cette fin, comme d’autres l’ont précédées, tout en montrant une forme de bénédiction que Kairi concède à Sora dans la poursuite de sa quête.
Observons avec minutie le travail inconscient sur ce tout petit plan. Kairi porte trois bracelets de couleur blanche, grise et bleue, représentant la Trinité, pour ne pas dire eux-même : Sora, Riku et Kairi, mais aussi Ventus, Terra et Aqua. Trinité qui se retrouve dans les trois maillons qui pendent de l’Eclaireuse et dont la forme pourrait s'assimiler à un cœur, connectés ensemble tel les maillons d’une chaîne. Le bras de Sora et les deux avant-bras de Kairi forment un Y, comme une croisée des chemins reliant trois personnes. La position de sa main sur l’allumette magique et Sora l’étreignant aussi vous rappelle aisément la sublime fin de Kingdom Heart II.
Après avoir ôté sa main pour laisser place plus en détail à l’Eclaireuse même, la forme de la chaîne se révèle et forment un demi-cœur, sortant de la tête du coquillage. De plus, nous remarquons sur le gant de Sora la forme d’une croix blanche cette fois-ci, rappelant de nouveau la croix dissimulée à plusieurs reprises dans les séquences précédentes, dont la plus évidente est celle du torse de Terra. Cette même croix est répétée cinq fois sur le coquillage afin de relier les cinq parties entre elles et pour n’en former plus qu’une, l’Eclaireuse.
Finalement, que faut-il-faire pour tuer le temps ? Les situations qui nous ont été montrées se présentent sous la forme d’une impasse (l'un des symboles de la croix) : Terra en prise avec Maître Xehanort, la situation inéluctable au Jardin Radieux, Aqua coincée avec Ansem le Sage, Ventus et Terra dans la Contrée du Départ, Sora dans ses pensées au bord de la mer. A un moment donné, même si vous avez beau faire l’impossible, il faudra bien s’en remettre à un autre pour que cela puisse continuer. Ces cinq scènes, tout comme les cinq branches de l’Eclaireuse, tout comme l’issue de la série de Kingdom Hearts, ne repose qu’entre les mains de Sora.
Puis, viens cet intertitre qui je pense, n’a plus aucune surprise pour vous…
A votre tour de reconstituer ces cinq séquences de ce puzzle, et on saura (éclairé)…
Vocabulaire :
Travelling : Déplacement de la caméra dans le temps par un moyen de locomotion limité à une seule direction (ex : le train pour le travelling gauche-droite, de haut en bas comme un ascenseur ou d’avant en arrière comme une voiture. On peut aussi exécuter un large cercle horizontale d’où un travelling circulaire.)
Panoramique : Mouvement de rotation de la caméra sur un axe dans le temps, identique aux mouvements de la tête sur votre corps. (Tourner la tête de gauche à droite, de haut en bas ou dans tous les sens sont des panoramiques.)
Plan : Série de photogrammes enregistrés lors d’une même prise sans arrêt de la caméra. Une séquence peut être constitué de plusieurs plans, tout comme il existe des plans séquences où un plan peut être égal à une séquence entière. (Exemple de plan séquence: les 3 premières minutes de la Soif du Mal d’Orson Welles)
Taille de Plan : Il n’y a pas d’autres moyens que de connaître les valeurs de plans par défaut !
Point de Montage : C’est l’instant où nous allons passer d’un plan à un autre (ex : Plan Américain sur Terra puis Plan Rapproché Taille Terra)
Champ & Contre-champ : Deux plans alternant le Locuteur et l’Auditeur, permettant de passer de l’un à l’autre rapidement et de placer physiquement les acteurs dans le décor, sans avoir à recourir à un déplacement de la caméra. Les réalisateurs y recourent souvent lors d’un dialogue entre deux personnages. (ex : Talk-show télévisuel ou bien la conversation Terra et Xehanort)
Montage : Art de mettre bout à bout les plans à partir de (bonnes) prises pour en constituer les séquences et au final, le film. C’est un travail de coordination et d’organisation des plans, pour rythmer le récit du film, tout en respectant au mieux les intentions du Réalisateur. Elle fait l’objet de nombreuses théories dont parmi les plus célèbres celle de Koulechov. Plan sur un homme + Plan sur une assiette = La Faim. Celle de S. M. Einsenstein, rendue célèbre par la formule: 1 + 1 = 3.
Storyboard : Découpage technique dessiné plans par plans par le réalisateur ou un storyboarder attitré, afin de pré-visualiser les futurs plans à tourner. Etape non obligatoire dans le processus de réalisation d’un film, cette étape permet de réduire de nombreux coûts et préparer à l’avance le matériel technique requis. Pour les prises de vues réelles, les Réalisateurs n’y ont pas toujours recours (La Nouvelle Vague l’a rejettée), contrairement à l’animation où les planches sont souvent demandées (Exemple : Alfred Hitchcock, Réalisateur en prise de vues réelles, aimait toujours storyboarder ses films).
MacGuffin : Inventé par Alfred Hitchcock, Il s’agît d’un objet matériel et généralement mystérieux qui sert de prétexte au développement au film. Pour un film d’espionnage, il s’agît des documents secrets, mais l’importance n’est pas porter sur le contenu des documents mais bien pour les séquences plaçant un héros dans des situations instables au cours du film.
Article rédigé par Ansem's Way.
Page : 1 . 2 . 3 . 4 . 5 . 6 .
Je veux pas la ramener, mais la vache, je viens de découvrir que KH était une sacré prise de tête!
© 2005/2023 - KHDestiny
© Design et Integration par Agence Web DantSu
Accueil | Actualités | Dossiers | Boutique | Discord | Galerie | RSS | Termes d'utilisation
Bon travail, malgrès quelque erreur par ci par là.
Et pour Ienzo, sa parrait tellement évidement, que je n'aurais jamais pensé ça